Si un jour je meurs dans la montagne
C’est à toi mon vieux camarade de cordée
Que j’adresse ce testament:
Va voir ma mère
Et dis-lui que je suis mort heureux
Que je n’ai pas pu souffrir puisque j’étais près d’elle
Dis à mon père que j’étais un homme
Dis à mon frère que c’est à lui que je passe maintenant le relais
Dis à ma femme que je lui souhaite de vivre sans moi
Comme j’ai vécu sans elle
A mes fils qu’ils retrouveront les traces de mes ongles
Dans la granit des Etançons.
Et toi, mon compagnon:
Prends mon piolet
Je ne veux pas que lui meure de honte
Emmène-le dans quelque belle face
Et cale-le là sur un petit cairn que tu n’auras fait rien pour lui
Loin de passage des foules
Dresse-le pour qu’il soit
L’aurore triomphante sur le glacier
Et le coucher sanglant derrière la crête.
Et pour toi, voici mon cadeau:
Prends mon marteau et que tes coups dans le protogine
Secouent mon cadavre de frissons de volupté
Fais tant de bruit dans la paroi et sur la crête
Va car je serai avec toi …